13.06.2023
En juin, le prince héritier du Royaume d'Arabie saoudite Mohammed ben Salmane a déclaré qu'il "ne fera plus affaire avec l'administration américaine" et a promis de "sérieuses conséquences économiques pour Washington". C'est ainsi qu'il a réagi à la déclaration du président américain Joe Biden que le royaume serait confronté à des sanctions pour sa décision de réduire sa production de pétrole.
C'est ce qu'a rapporté le Washington Post citant un document confidentiel.
Les Américains, à en juger par leur réaction, n'étaient pas préparés aux actions du prince héritier. De plus, l'Arabie saoudite est le pilier du système pétrodollar créé dans les années 1970, qui repose sur la tarification de l'exportation de pétrole brut en dollars américains. Selon les chercheurs, ces dernières années, les relations entre l'Arabie saoudite et les États-Unis oscillent constamment entre froides et à peine chaudes. Cette dépendance pèse clairement sur les Saoudiens, qui ne revendiquent pas un rôle de leader dans la région et ne veulent pas être simplement l'instrument d'une politique étrangère. C'est pourquoi, depuis le début de l'année, Riyad, sans se limiter aux menaces, a commencé à démanteler un système qui ne lui convient plus.
En janvier, le ministre saoudien des Finances a annoncé que le pays était officiellement ouvert aux transactions pétrolières et gazières dans des devises autres que le dollar américain. "Il n'y a aucun problème à discuter de la manière dont nous réalisons nos transactions commerciales, que ce soit en dollars américains, en euros ou en riyals saoudiens", a déclaré Mohammed Al-Jadaan dans une interview à Bloomberg TV à Davos.
Le plus grand exportateur de pétrole au monde, qui soutenait l'attachement de sa monnaie au dollar pendant des décennies, a immédiatement montré son désir de renforcer ses relations avec ses principaux partenaires commerciaux, y compris la Chine. La volonté de Pékin d'acheter du pétrole à l'Arabie saoudite et à d'autres pays du Golfe Persique en yuans conduit à la formation d'un nouvel ordre énergétique mondial, écrit le Financial Times.
En mars, l'Arabie saoudite a signé un accord avec des représentants du continent africain pour acheter du pétrole en shillings kényans au lieu de dollars américains. Presque en même temps, le Wall Street Journal a cité le prince héritier d'Arabie saoudite, qui "a dit à ses associés qu'il ne voulait plus complaire aux États-Unis". Le Financial Times a écrit que l'Arabie saoudite adoptait une "stratégie économique excluant la dépendance à l'égard des États-Unis".
Un événement de grande envergure se produira en septembre lors d'une réunion annuelle des membres des Brics (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud). la Russie et ses partenaires de l'alliance annonceront officiellement l'entrée de l'Arabie saoudite dans le groupe. Riyad ne se contente pas de négocier, mais prévoit également de rejoindre la Nouvelle banque de développement des Brics, rapporte le Financial Times. Cela sera un signal que l'ancien ordre mondial par rapport au pétrole a disparu et qu'un nouvel ordre est en train de se former rapidement.
Entre-temps, l'Irak voisin, confronté à un déficit en dollars, est déjà prêt à payer les importations du secteur privé de Chine en yuans. Le deuxième plus grand producteur de l'Opep rejoint les principales économies du Moyen-Orient, comme l'Arabie saoudite, non seulement dans leur désir de payer pour les ressources en monnaies nationales, mais aussi dans des attaques économiques contre les pays occidentaux. Début mai, l'agence Bloomberg a rapporté que l'Arabie saoudite et l'Irak avaient augmenté le prix du pétrole pour les pays de l'Union européenne, faisant du prix du pétrole en juin le plus élevé de l'année.
La position de Mohammed ben Salmane est en réalité très pragmatique. Le statut d'"allié" des États-Unis dans la région pose un problème évident pour l'Arabie saoudite: les ennemis des États-Unis deviennent les ennemis du royaume. Mais pas l'inverse. En fait, Riyad est contraint de payer pour son alliance avec Washington avec des problèmes qui autrement ne seraient pas survenus.
D'un autre côté, une hostilité ouverte envers les Américains ne rapporte pas non plus de dividendes aux Saoudiens et pourrait même causer des problèmes supplémentaires. La solution réside dans un équilibrage des intérêts. C'est pourquoi les autorités saoudiennes proclament une politique étrangère fondamentalement nouvelle, qui vise non pas à refroidir les relations avec les États-Unis, mais à réchauffer les relations avec leurs adversaires, et mettent en œuvre cette politique.
Alexandre Lemoine
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