29.06.2023
Les chefs de la diplomatie de l'UE ont approuvé une augmentation de 3,5 milliards d'euros du fonds d'aide militaire à l'Ukraine. Dans l'ensemble, le soutien militaire apporté depuis le début de l'opération militaire spéciale par les pays de l'Union européenne est sans précédent de par son ampleur. Qui plus est si l'on tient compte des importantes injections macrofinancières pour les besoins socioéconomiques de ce pays d'Europe de l'Est.
Cependant, depuis le début Bruxelles ne prenait pas en compte le caractère prolongé des actions militaires, et n'a donc pas élaboré de stratégie à long terme pour aider Kiev. En particulier, par exemple, la politique de soutien aux réfugiés était temporaire, et à ce jour, ses principaux instruments se sont en grande partie épuisés.
Depuis le début du conflit, l'Ukraine a été le plus grand bénéficiaire de l'aide de la Facilité européenne pour la paix (FEP), qui, contrairement au budget de l'UE, est autorisée à financer des opérations militaires. Il est à noter qu'en 2023 les besoins militaires de l'Ukraine restent élevés, tandis que les capacités européennes sont fortement limitées. Ainsi, pour une période de sept ans, la FEP a prévu des dépenses de 5,7 milliards d'euros, mais plus de la moitié de cette somme a déjà été dépensée en 2022, ce qui freine le potentiel de Bruxelles pour apporter une aide supplémentaire à Kiev ainsi que dans les opérations de l'UE dans d'autres pays du monde. L'épuisement des réserves militaires des pays de l'Union, à son tour, réduit leur disponibilité pour de nouvelles livraisons.
Seulement un an après le début de l'opération militaire spéciale, le soutien de l'UE à l'Ukraine (humanitaire, militaire et financier) s'élevait à 62 milliards d'euros, et en juin 2023, il était déjà de 70 milliards d'euros. Cependant, les pays membres ne sont pas unanimes par rapport à l'aide à Kiev: alors que certains d'entre eux (les pays baltes, la Pologne, le Royaume-Uni) adoptent une position ferme sur le soutien continu de l'Ukraine, les pays du Sud de l'Europe, en revanche, hésitent en la matière.
En plus d'énormes dépenses financières pour l'Ukraine, les pays de l'UE ont dû subir des coûts importants pour contenir l'inflation importée, tandis que l'augmentation de l'inflation de base (qui est l'un des risques clés) a conduit les pays de l'UE à durcir de manière significative leur politique monétaire. Cela conduit à une augmentation du coût des emprunts, à un durcissement des normes de crédit et, dans l'ensemble, à une réduction des flux de crédit, y compris pour des objectifs d'investissement.
Ainsi, dans différents secteurs de l'économie de l'UE, on assiste à un ralentissement du rythme de croissance des investissements, et dans certains domaines, par exemple dans l'immobilier, on observe même une diminution des investissements. Cela limite considérablement la croissance économique, dont les faibles taux ne permettent pas d'élargir l'espace fiscal dans de nombreux pays. Enfin, il convient de noter que la situation actuelle a conduit à une crise du coût de la vie dans certains pays.
Dans l'ensemble, l'économie des pays de l'UE est dans une situation complexe, où les fonds alloués à l'aide macrofinancière à l'Ukraine doivent être utilisés pour résoudre les problèmes économiques internes et développer une politique de croissance efficace. L'activité économique de l'UE reste à un niveau bas, et les perspectives de croissance économique sont incertaines (en particulier, l'Organisation de coopération et de développement économiques prévoit que l'économie de la zone euro ne progressera que de 0,8% en 2023).
Un aspect important est l'évaluation de l'ampleur du soutien financier à l'Ukraine. On ne sait pas combien de ressources Kiev aura encore besoin, même si, selon les dernières déclarations de la Commission européenne, l'aide financière de l'UE s'élèvera à 50 milliards d'euros en 2024-2027. Les sources et les conditions de ce financement restent incertaines, car Bruxelles n'a pas de plan stratégique clair et la plupart des décisions prises sont immédiates et en grande partie non coordonnées.
Le discours sur la "nécessité de soutenir l'Ukraine par tous les moyens possibles" montre malheureusement son insuffisance. À long terme, la croissance économique de l'Union européenne continuera de ralentir, et le budget de l'UE sera probablement incapable de satisfaire les tâches ambitieuses qui se présentent en termes de soutien financier à Kiev. Cela est particulièrement important compte tenu de la nécessité de poursuivre la politique d'intégration fiscale, ainsi qu'un ensemble de problèmes dans le domaine de la coopération en matière de défense au sein de l'UE.
Théoriquement, l'UE pourrait recourir au financement de l'Ukraine par le biais d'emprunts sur les marchés internationaux. Cependant, les conditions financières mondiales sont devenues beaucoup plus rigides aujourd'hui. Il est peu probable que cela reçoive le soutien de tous les pays de l'UE. Enfin, dans les conditions actuelles difficiles, les pays de l'UE n'ont pas encore défini un véritable objectif pour leurs actions en Ukraine qui justifierait les fonds dépensés.
Alexandre Lemoine
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